Cyberharcèlement : Pourquoi les arbitres de rugby sont-ils de plus en plus visés ?

World Rugby a dévoilé, mercredi 31 janvier, les résultats d'une enquête montrant que les arbitres sont de plus en plus victimes de cyberharcèlement. Pour quelles raisons les menaces, injures ou intimidations grandissent envers eux ?
Publié le 20/02/2023 à 22h12 par Quentin Barbaza
« Nous allons te trancher la gorge et tuer tes enfants ». Ce sont les menaces, parmi d'autres, qu'a reçu Wayne Barnes, arbitre international, au lendemain de la finale de la Coupe du monde de rugby 2023.
Désormais, le cyberharcèlement, les menaces, les injures sont monnaie courante sur les réseaux sociaux. Le rugby ne déroge pas à la règle. La fédération internationale (World Rugby) a dévoilé, mercredi 31 janvier, une enquête sur les abus recensés pendant la compétition. Plus de 1600 tweets ou posts ont fait l'objet de suppressions, signalements ou blocages. World Rugby a annoncé mettre en place des poursuites judiciaires envers les fauteurs de trouble. Cette enquête montre également qu'un peu plus d'un quart (30%) des messages abusifs pendant la compétition proviennent de France. Quelles explications pour ces intimidations de plus en plus régulières ?

Hausse des paris en ligne
Au-delà du chauvinisme, certains internautes s'en prennent aux arbitres à cause de l'appât du gain. En 2023, l'Autorité Nationale du Jeu a enregistré son record de mises jouées en ligne. Plus de 9 milliards d'euros ont été dépensés sur les plateformes de paris en ligne. Le rugby a également connu l'an dernier une hausse des mises, expliquées en partie par la Coupe du Monde. Ce phénomène de cyberharcèlement à cause des jeux a déjà été pointé du doigt dans d'autres sports, comme le tennis.

« Certains supporters confondent passion et folie »
Dans le monde de l'arbitrage, des paroles s'élèvent. « Il y a des stades où l'on a peur d'aller arbitrer, explique Patrick Péchambert, ancien arbitre professionnel et actuel arbitre vidéo en Top 14. L'arbitrage n'attire plus ».
Ayant officié lors de la finale du championnat de France 2011, Patrick Péchambert avoue également avoir été visé par des actions menaçantes de certains spectateurs. « En 2013, j'arbitrais à Brive et je me souviens avoir été insulté de tous les noms. Juste parce que j'avais sifflé une faute cruciale une semaine auparavant à Clermont-Ferrand(club rival de Brive, NDLR). J'étais critiqué parce que j'étais chauve, mes enfants en ont pris pour leur grade aussi. Certains supporters confondent passion et folie ».
Lui, qui est directeur de l'arbitrage du comité de Lot-et-Garonne, avoue que des actions sont mises en place pour sensibiliser à l'arbitrage. « On cherche des arbitres, explique-t-il. On apprend aux jeunes arbitres à rester dans leur bulle, à ne pas écouter ce qu'il se dit au bord du terrain ».

Un documentaire pour prendre conscience
Ce jeudi 1er février, World Rugby a dévoilé un documentaire en immersion dans le quotidien des arbitres de la Coupe du Monde 2023 (retrouvez la bande annonce ici). « Whistleblowers » (ou « lanceurs d'alerte » en français) met en lumière l'ampleur des abus en ligne auxquels sont confrontés les arbitres internationaux. Wayne Barnes a accepté de témoigner sur les faits dont il a été victime. Le directeur de World Rugby, Alan Gilpin a affirmé dans un communiqué : « La montée de la haine en ligne dans la société est inquiétante et totalement inacceptable. Nous continuerons à faire tout notre possible pour protéger et soutenir nos officiels et leurs familles en traduisant les agresseurs en justice ».